Victor Hugo est un imbécile, Stromae un génie

Publié le 28 Juin 2014

Lettre à l'andouille qui a séché au bac sous les voutes Hugoliennes…. J'aurais fait pareil !

Je te propose un jeu (désopilant!) : Déterminer dans les extraits ci-dessous lesquels sont de Stromae, lesquels de Hugo. D’accord j’ai mis des pièges, mais il faut bien se distraire. Après je te dirai quelques trucs.

Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots.

On verrait, en sondant la mer qui les promène,

Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine...

La lune était sereine et jouait sur les flots.

Qui dit étude dit travail,

Qui dit taf te dit les thunes,

Qui dit argent dit dépenses,

Qui dit crédit dit créance,

Qui dit dette te dit huissier,

Oui dit assis dans la merde.

Qui dit Amour dit les gosses,

Dit toujours et dit divorce.

Dans la plaine

Naît un bruit.

C'est l'haleine

De la nuit.

Elle brame

Comme une âme

Qu'une flamme

Toujours suit !

Qui dit proches te dit deuils car les problèmes ne viennent pas seul.

 

Qui dit crise te dit monde dit famine dit tiers- monde.

 

Qui dit fatigue dit réveil encore sourd de la veille,

 

Alors on sort pour oublier tous les problèmes.

 

Alors on danse?

Combien de patrons morts avec leurs équipages !

 

L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages

 

Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !

 

Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.

 

Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;

 

L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Formidable, fooormidable

 

Tu étais formidable, j'étais fort minable

 

Nous étions formidables

La voix plus haute

Semble un grelot.

D'un nain qui saute

C'est le galop.

Il fuit, s'élance,

Puis en cadence

Sur un pied danse

Au bout d'un flot.

Oh bébé, oups : mademoiselle

Je vais pas vous draguer, promis, juré

J'suis célibataire depuis hier, putain,

J'peux pas faire un enfant mais bon c'est pas... eh revient !

5 minutes quoi, j't'ai pas insulté, j'suis poli, courtois

Et un peu fort bourré, et pour les mecs comme moi

Vous avez autre chose à faire, vous m'auriez vu hier

La rumeur approche.

L'écho la redit.

C'est comme la cloche

D'un couvent maudit ;

Comme un bruit de foule,

Qui tonne et qui roule,

Et tantôt s'écroule,

Et tantôt grandit,

Oui il me fait peur ce public

Je n'ai pas peur de la mort mais de l'oubli

C'est bien ce que t'as fait

Qu'on retient de toi

Mais surtout pas s'que t'avais

 

En plus je n'ai pas de bol

Donc heureusement que je ne rêve pas de toucher le pactole

Car ce sera sans et m'connaissant

Je brasserai des liasses avec ma malchance

Tu vois pourquoi j'aimerais être porc, lion ou homme et vivre sans remords

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,

Emu par ce superbe et tranquille horizon,

Examiner en moi les vérités profondes

Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;

 

Je ne résiste plus à tout ce qui m'arrive

Par votre volonté.

L'âme de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,

Roule à l'éternité.

Moi humain Papou

Primaire et pas vous ?

Si évoluer c'est ça

Moi j'évolue pas pour un sou

 

Moi parler des glaciers

Si coulés moi fâché

Je saurai où te chercher

Quand comme moi tu seras perché

 

Humain à l'eau !

Nous ne voyons jamais qu'un seul côté des choses ;

L'autre plonge en la nuit d'un mystère effrayant.

L'homme subit le joug sans connaître les causes.

Tout ce qu'il voit est court, inutile et fuyant.

 

Mais c'est plus fort que moi

Et comme je n'aime pas l'homme je reste hors de moi

Toujours ailleurs j'fais du surplace

Même mes pensées courent et se surpassent

Sur la lune très peu veulent m'y voir

Et j'y retourne souvent pour qu'eux m'rejoignent

Au lieu de passer le temps à m'nourrir

Je fouille, pense avant de mourir

Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,

Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum ;

Que la création est une grande roue

Qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu'un ;

C'est un euphémisme

Oui je t'idéalise

Et la culture de la bêtise,

De ça, oui je suis raciste

 

Humain à l'eau !

 

Au nom du déluge

3G, 4G ou déchet

Oubliez G8, G20 ou j'ai chié

Et j'ai bien caché

Vous décidez de ça à notre insu

Moi aussi j'aurais aimé être entendu

Donc arrêtez de suite

Vous êtes stupides ou quoi

Les études ne donnent aucune science infuse

 

Humain à l'eau

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !

Vous roulez à travers les sombres étendues,

Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.

Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,

Sont morts en attendant tous les jours sur la grève

Ceux qui ne sont pas revenus !

Ça y est je viens d'y naitre

J'sais pas ou je vais, ni ou j'suis

Mais tous veulent y être
Quelque part, là-bas dans la vie

Et la je veux y mettre le pas

Mais seule mon âme a l'accès

Et je sais,

Que je n'ai aucun de ses abcès

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Et petite, oh pardon : petit

 

Tu sais dans la vie il n'y a ni méchant ni gentil

 

Si maman est chiante c'est qu'elle a peur d'être mamie

 

Si papa trompe maman, c'est parce que maman vieillit, tiens

 

Pourquoi t'es tout rouge? Ben reviens gamin

Le vieillard, qui revient vers la source première,

Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;

Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,

Mais dans l'œil du vieillard on voit de la lumière.

Un cri pour arracher tout ça et une langue pour m’y pendre.

On m'a traité de pessimiste

avec des mots à me suicider

Elle a toujours les yeux ouverts et ne me laisse pas dormir.

Ses rêves en pleine lumière font s’évaporer les soleils, me font rire, pleurer et rire, parler sans avoir rien à dire.

Et la tu t'dis que c'est fini car pire que ça ce serait la mort.

 

Qu'en tu crois enfin que tu t'en sors quand y en a plus et ben y en a encore!

 

Ecstasy dis problème les problèmes ou bien la musique.

 

Ca t'prends les tripes ca te prends la tête et puis tu prie pour que ça s'arrête.

 

Mais c'est ton corps c'est pas le ciel alors tu t'bouches plus les oreilles.

 

Et là tu cries encore plus fort et ca persiste...

L'œil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.

Stromae répondit : " Non, il est toujours là. »

Alors il dit: « je veux habiter sous la terre

Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;

Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »

On fit donc une fosse, Stromae dit « C'est bien ! »

Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.

Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre

Et qu'on eut sur son front fermé le trou carré,

L'œil au fond de la tombe regardait Stromae.

Murs, ville,

Et port,

Asile

De mort,

Mer grise

Où brise

La brise,

Tout dort

Ouaouh! Je les ai niqués tous les deux! J'ai astromisé Victor et fait hugoler Stromae.

Encagés! Leurs mots sont comme des animaux du zoo, éventuellement beaux mais figés sans la grâce du mouvement libre.

On peut les étudier quand même. Un texte abouti doit être libre aussi de son auteur. Explorer un poème du point de vue de l’auteur c’est s’éloigner du poème comme l’histoire de la musique s’éloigne de la musique.

L’envie de connaître l’auteur ne vient éventuellement qu’après que ses textes nous aient étripés. L’école a toujours fait l’inverse dans les sociétés iconophiles.

Et toi tu fais souvent pareil, connard, avec les chanteurs que tu idolâtres !

« Le poète est celui qui inspire bien plus que celui-qui est inspiré », disait Eluard. Forts de cette citation, les vieilles barbes du baccalauréat nous font à contrario écrire ce que l’auteur a voulu dire au lieu de nous demander d’écrire le mieux possible ce que nous ressentons. Quand elles ne nous demandent pas de décrire la couleur des chaussettes de l’auteur au moment où il a écrit le texte, le nom du lieu où il l’a écrit et celui de la maîtresse qui vient de le quitter !

Bande de badernes exégétiques !

J’aurais vomi la poésie si je n’avais aimé une fille qui aimait Eluard. Je fus amoureux de l’amoureuse qui ne me le rendit point (Celle qui a toujours les yeux ouverts et ne me laisse pas dormir…).

Elle est morte quand je venais de lire Maldoror : « Il se dirigea vers un cimetière et les adolescents qui viennent violer les cadavres des jeunes femmes mortes depuis peu… ». Eh bien non, je ne suis pas passé à l’acte ! Mais j’ai gardé l’amour de la poésie. Car Maldoror le subversif est un terreau fabuleux pour l’adolescent.

Et Artaud le momo ! Celui que l’on ne rencontre jamais dans les écoles (un cri pour arracher tout ça…)

Un jour, j’ai appris à aimer le vieil Hugo qui nous rasait tant à l’école (sauf l’œil était dans la tombe…mais là, c’est personnel). Que de joyaux au milieu des immondices !

Car il te faut savoir andouille desséchée que les plus grands poètes ont beaucoup déféqué. Certains sont plus constants que d’autres, je pense à Baudelaire qui peut-être souffrait moins d’auto-complaisance mais qui de-ci delà oublia un étron.

Et Stromae ! Que vient-il faire dans tout ça ? Pensez-vous que je veuille le ridiculiser ?

Pas du tout ! Le titre racoleur n’était fait que pour ça, racoler.

Mais que vaut Stromae dépouillé de sa superbe incantation à la Brel, de cette musique qui surfe si bien sur l’air du temps et de ces clips qui me font oublier le reste ?

Il ne vaut pas plus queVictor rhabillé par une baderne ou quand une vieille barbe mélange ses pépites à ses crottes.

Quant à la technique ! L’ancêtre maniait l’alexandrin comme Mozart le solfège : En l’oubliant. Seules l’oreille et l’émotion surnagent. Pour Stromae, ça doit être pareil !

Il y a toujours des artisans qui veulent décortiquer la technique de l’artiste. Ce n’est pas inintéressant mais ne nous faites pas chier en prétendant que c’est primordial ! La plupart des artistes possèdent sans apprendre. Ca n’empêche pas la nécessité du travail. Mais quel travail ? Celui du talent ou celui du génie ? Parfois les œuvres se rejoignent…

Ceci dit, le texte de Victor Hugo proposé au baccalauréat était très beau et la définition des mots aujourd’hui devenus précieux était donnée.  Alors ?

Alors s’il n’est pas impossible de venir à la poésie en prenant le chemin des troubadours, c’est beaucoup plus difficile en prenant celui de la rhétorique (je ne sais plus bien ce que ça veut dire mais les gens concernés comprendront, surtout les exégètes).

Pour finir, Stromae-Caïn n’a pas tué son frère Victor. Mais l’œil est toujours là. L’affectif nie la logique.

 

PS : Je connais un peu Hugo et très peu Stromae. Que celui-ci m’excuse si les textes pris sur la toile sont infidèles car certaines expressions m’ont paru douteuses. Les fans rectifieront. Il m’a l’air d’un garçon bien sympathique. Pour Hugo, les avis sont partagés. Je ne parlerai pas de Céline. C’est pourquoi je reviens à mon idée première, l’œuvre doit-être libérée de son auteur.

Parallèlement, le travail de l’historien est important. Car il faut toujours garder à l’esprit qu’un génie peut-être un fumier comme un électeur doit savoir que l’intelligence est un catalyseur de connerie quand l’ego est tordu ou enflé.

Rédigé par César Lontodiof

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D
Et bien moi j'en veux encore. ENCORE! Au boulot César, je veux dire: laisse-toi aller. ^^<br /> <br /> Et comme ce que tu as écrit me fait cogiter je vais en causer sur mon bloug.<br /> <br /> Bisou
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